Premier entré, premier sorti : une évidence souvent oubliée
Le FIFO (First In, First Out) est un principe simple, intuitif, et pourtant encore trop souvent ignoré dans les entreprises.
Dans un monde industriel où l’urgence devient la norme, réinstaurer un pilotage clair des priorités est devenu une priorité.
Et c’est exactement ce que permet le FIFO : traiter les éléments dans l’ordre de leur arrivée, sans confusion, ni arbitrage émotionnel.
C’est un principe d’équité, de régularité et de stabilité, qui redonne du bon sens aux opérations. Et dans le Lean Management, il joue un rôle clé dans le pilotage des flux poussés. Le FIFO sera placé d’ailleurs juste après le pacemaker..
Le rôle du FIFO dans une logique Lean
Dans une démarche Lean, le Temps Takt (Takt Time) définit le rythme client et le Pacemaker l’introduit dans votre flux de valeur, l’intègre au cœur du processus, marquant le point à partir duquel on pousse le flux.
« En amont du pacemaker, on tire le flux », alors qu’en aval, on doit organiser un flux poussé avec rigueur.
Deux solutions principales s’offrent alors à nous :
- Le CONWIP (Constant Work in Progress), qui régule l’encours dans le flux.
Le CONWIP repose sur un principe simple : on autorise dans le système une quantité fixe de travail à un instant donné. Dès qu’une tâche est terminée, une nouvelle tâche de taille similaire entre dans le flux. Cela garantit une charge maîtrisée, un flux régulier, et une règle d’ordonnancement bien plus simple. - Le FIFO est, lui, sans limitation d’encours, mais avec une règle immuable : le premier qui entre est le premier qui sort.
Remarquez qu’on associe volontier FIFO et CONWIP. C’est une excellente pratique. Et dans tous les cas, on parle d’un flux poussé maîtrisé, toujours en aval du pacemaker.
Le cercle vicieux des urgences
Quand une entreprise n’a pas de FIFO clair, les priorités se règlent… à la voix. Celui qui crie le plus fort, celui qui connaît le patron, celui qui « en a vraiment besoin pour tout de suite », celui qui passe devant « juste pour cette fois ».
Et là commence le cercle infernal des urgences :
On commence à avoir de plus et plus d’urgences. Puis des urgences prioritaires, qu’il faut prioriser à leur tour. Puis des urgences prioritaires absolues…
Et pour finir, l’urgence tue l’urgence et plus personne ne sait par quoi commencer.
On perd le contrôle.
On stresse les équipes.
On désorganise les flux.
Et pourtant, il suffirait d’une file d’attente claire, respectée, visible. En somme, d’un FIFO bien structuré.
Pourquoi l’urgence ralentit tout ?
Mettre une urgence en priorité absolue semble, sur le moment, logique. Tout à fait intuitif. Mais c’est souvent contre-productif.
Prenons un exemple concret : un bouchon sur l’autoroute.
Quand, avant un rétréssissement, une voiture tente de remonter la file par la droite pour « gagner du temps », elle provoque un ralentissement général. Chaque changement de file casse le rythme, oblige les autres à freiner, crée des micro-arrêts… et ralentit l’ensemble du flux. Et il suffit, après le rétrécissement, que toutes les voitures soient enfin l’une derrière l’autre (en FIFO donc) pour que le tout devienne fluide.
C’est pareil dans vos flux de production ou de service : favoriser une tâche en priorité casse la vitesse d’ensemble, crée des déséquilibres, des interruptions, agace tout le monde et multiplie les risques d’erreur.
Le FIFO, lui, stabilise le flux, l’accelère même, et garantit une performance collective durable.
Même les dossiers initialement traités « à la tête du client » sont gagnants. Comme notre chauffard sur la route d’ailleurs !
Comment mettre en place un FIFO sur le terrain ? La méthode en 5 phases
Mettre en place un FIFO efficace, ce n’est pas juste aligner des cartons dans le bon ordre.
C’est un chantier KAIZEN structuré, à mener en équipe, avec méthode. Voici comment je le structure en 5 étapes clés :
Avant de commencer, 3 prérequis :
- Une VSM cible claire a été réalisée, le Pacemaker est positionné et donc les stocks à mettre en FIFO sont clairement définis
- Un animateur formé est désigné pour guider l’équipe. C’est mieux
- Le manager du périmètre est impliqué, car le chantier impactera les pratiques de gestion, qu’il faudra soutenir.
Et pour piloter visuellement les zones de stocks ?
On utilise les codes couleurs du KANBAN d’approvisionnement :
- Vert : zone de sur-stock → soit on n’alimente plus le stock, soit on renforce le poste aval pour diminuer l’encours.
Pour aller plus loin encore dans l’équilibrage de la charge de travail entre opérateurs, un outil Lean fait toute la différence : le YAMAZUMI (je vous explique bientôt comment l’utiliser concrètement dans cet article). - Jaune : zone idéale → on travaille normalement
- Rouge : zone de sous-stock → soit on renforce le poste amont, soit on réduit la cadence du poste aval pour regonfler le stock.
Voici un exemple :
Ces repères visuels s’appliquent aussi bien à des stocks physiques qu’à des flux dématérialisés.
Et pour démarrer, une base simple :
Stock cible = durée d’attente acceptée ÷ Takt Time.
Les bénéfices concrets du FIFO
Un FIFO bien mis en œuvre permet :
- De réduire les pertes liées à l’obsolescence ou à la péremption
- De stabiliser les cadences
- D’améliorer le service client par un délais maîtrisé
- De renforcer la qualité perçue par le client
- De simplifier la gestion des priorités
- D’améliorer la performance globale
Et cela vaut autant dans l’industrie que dans les services :
Demandes clients, flux d’informations, dossiers administratifs… tous y gagnent.
Selon plusieurs études et benchmarks issus du terrain, les entreprises ayant mis en place un FIFO clair constatent en moyenne :
- −52 % de pertes produits (péremption, obsolescence)
- +28 % de satisfaction client
- +43 % de rotation de stock
- +12 % de marge commerciale
Conclusion : FIFO, l’outil d’équité et de performance
Le FIFO, ce n’est pas une méthode datée.
C’est un système de pilotage simple, puissant et durable, au service de la fluidité, de la cohérence… et de la confiance, pour les équipes comme pour les clients.
Il permet de sortir de la dictature de l’urgence, de reprendre la main sur vos flux, et de créer une dynamique opérationnelle saine.
Alors la vraie question n’est pas :
“Est-ce que j’ai du FIFO dans mes processus ?”
Mais bien :
“Est-ce que je l’utilise pleinement comme levier de pilotage stratégique ?”
Si ce n’est pas encore le cas, on peut en parler 👉 CONTACT